Le flageolet est apparu vers la fin du XVIe siècle. Son invention est attribuée à Sieur Juvigny de Paris
qui est supposé avoir joué cet instrument en 1581 dans Le Ballet Comique de la Royne, le premier ballet de cour donné et imprimé en France. Dans le texte on peut lire
Toutefois cette description suggère que l'instrument serait plutôt une flûte de pan à plusieurs tuyaux qu'un flageolet proprement dit.
La première description précise se trouve dans dans l'Orchésographie écrit; en 1588 par Thoineau Arbeau, où il est présenté comme substitut pour le fifre dans la musique militaire. L'auteur le nomme flajol ou arigot, un terme plus ancien. L'auteur décrit la disposition des six trous, quatre devant et deux derrière. Ici il n'y a pas de doute, il s'agit bien du flageolet tel que nous le connaissons.
Il y a un article sur le flageolet dans l'Harmonie Universelle de Marin Mersenne, publié en 1636. L'auteur décrit la position des six trous, quatre devant et deux trous de pouce derrière. Il indique deux façons différentes de placer les doigts sur ces trous, soit pour chaque main le pouce à l'arrière et l'index et le majeur devant, soit pour la main gauche le pouce derrière et l'index, le majeur et l'annulaire devant et pour la main droit le pouce derrière et l'index devant, sur le dernier trou. Cette deuxième manière est devenu inhabituelle par la suite. Mersenne précise dans son texte que l'étendue est d'une quinzième (deux octaves). Dans la tablature qui suit les six lignes horizontales représentent chacune un trou. Les marques noires représentant ceux qui doivent être bouchés pour chaque note. Il signale aussi que l'on peut jouer une note encore plus grave en fermant partiellement le pavillon.
Le flageolet n'est pas spécifiquement français au XVIIe siècle. En effet, la première méthode connue pour cet instrument a été publiée en Angleterre en 1675. Il s'agit du Pleasant Companion de Thomas Greeting.
Greeting présente le flageolet comme un véritable "Companion Agréable" car on peut le mettre dans sa poche pour l'avoir partout avec soi "sur terre ou sur mer". par ailleurs, à l'inverse d'autres instruments il sonne "toujours juste".
Cette méthode semble plutôt destinée aux musiciens amateurs car l'auteur utilise une notation par tablature de doigtés (dot notation) à la place des notes de musique conventionnelles.
une tablature de doigtés
Des pièces en dot notation
Greeting a compté parmi ses élèves l'écrivain Samuel Pepys, qui mentionne plusieurs fois le flageolet dans son journal.
L'existance du flageolet français à la fin du XVIIe siècle en Italie est noté dans le Compendio Musicale de Bartolomeo Bismantova, qui nous montre dans ce document une des deux manières de disposer les doigts sur les trous.
Freilhon Poncein consacre un chapitre au flageolet dans son ouvrage La Véritable manière d'apprendre à jouer en perfection du hautbois, de la flûte et du flageolet. Il précise que l'intrument possède quatorze sons naturels, et qu'il est possible d'en forcer un quinzième afin d'atteindre deux octaves. En ce qui concerne la position des doigts il préconise l'obturation des 4 premiers trous avec la main gauche, et des deux derniers avec la main droite, c'est à dire la deuxième manière de Mersenne.
Le flageolet a été utilisé pour apprendre aux oiseaux en cage des airs à chanter pour en augmenter la valeur. Cette méthode contient un recueil d'airs adaptés aux différentes espèces.
La notation musicale et celle par tablature (Dot notation) sont utilisées ensemble ici.
L'instrument est présent dans l'Encyclpoédie, sous deux formes, le gros flageolet (fig. 7), et le flageolet d'oiseau (fig. 5 & 6). Ce dernier, plus petit, est muni d'un porte-vent appelé la pompe. Le flageolet d'oiseau à, la sonorité aiguë, pouvait parfois être utilisé pour apprendre des airs aux serins et autres oiseaux, d'où son nom.
Diderot mentionne également le gros flageolet, "qui ne diffère du précédent qu'en ce qu'il n'a point de porte-vent, qu'il est à bec & tout d'une pièce."
Il est précisé que le flageolet possède une étendue d'une quinzième, c'est à dire de deux octaves, comme chez Mersenne et Freilhon Poncein.,
Louis-Joseph Francoeur consacre un chapitre au flageolet, dont voici la première page, dans son ouvrage le Diapsson Général de Tous les Instruments à Vent (1772). Il donne en exemple un flageolet et fa, ce qui n'est pas une taille très courante.
L'image ci-dessus, extraite du Manuel du Tourneur de P. Hamelin Bergeron (1792) nous montre un flageolet à bec de cette époque construit en deux parties. Sa popularité du moment pourrait expliquer la présence de cet instrument dans un tel ouvrage dédié avant tout à la fabrication d'objets divers au tour à bois.
La pompe mentionnée dans l'Encyclopédie de Diderot se généralisa au cours du XIXe siècle.
Le dessin d'un flageolet à pompe extrait du livre Eléments d'acoustique de Victor Charles Mahillon (1874).
Jusqu'ici les flageolets français se fabriquaient en plusieurs tonalités différentes, notamment ré, fa, sol, et la, mais
à partir de 1800 c'est l'instrument en la qui s'est imposé. Cependant, pour des raisons de commodité de lecture les tablatures et la musique étaient
souvent notées comme s'il s'agissait d'un instrument en ré transpositeur, comme le montre cette tablature extraite de l'Histoire Générale de la Musique
de F.-J. Fétis (1872) pour un flageolet sans clés.
L'auteur explique aussi comment faire sonner les dièses en bouchant partiellement les trous.
Voici une autre tablature proposant la même technique pour le ré# et un doigté de fourche pour le sol#.
Pour surmonter ces difficultés le flageolet se dote petit à petit de clés afin de ne plus nécessiter l'ouverture partielle de certains trous ou les fourches pour jouer les
demi-tons, les plus courantes étant celles de ré dièse et de sol dièse.
Dans son ouvrage de 1846, les Secrets de la Musique, Pierre Rigaud décrit ainsi le flageolet, en soulignant l'intérêt des clés et l'utilité de la pompe.
(Source : BnF)
Les tonalités et les notes nommées (par exemple, ut dièse d'en bas et ré d'en haut) suggèrent une utilisation en tant qu'instrument transpositeur en ré.
La tablature suivante, tirée de la méthode d'Eugène Roy pour un flageolet transpositeur en ré, fait usage de ces deux clés. Le dernier trou est le pavillon du flageloet, qui peut être partiellement obturé par l'auriculaire de la main droite ainsi que l'indique le précédent.
(Source : BnF)
Dans sa NOUVELLE MÉTHODE DE FLAGEOLET (non datée) Viguier-Saunier présente à la fois la technique de fermeture partielle des trous et l'utilisation de certaines clés
Il y a des exemples de différentes configurations de clés à voir ici.
C'est à cette époque que le flageolet connaît son âge d'or. Il a été beaucoup joué dans les bals et les fêtes diverses, et plusieurs excellents musiciens comme Bousquet, Collinet et de nombreux autres, ont écrit et interprété sur cet intrument de belles pièces, parfois d'une grande virtuosité. L'instrument se jouait également en Angleterre.
Voici un texte de Victor Charles Mahillon, l'acousticien bruxellois, dans lequel, en 1874, il décrit le flageolet et nous donne une tablature pour les notes du premier registre. Il est curieux de noter que Mahillon ne mentionne pas l'utilisation du trou de pouce supérieur comme trou de registre pour les notes aiguës, comme cela se pratiquait normalement, ainsi que l'indiquent les autres tablatures ci-dessus. Il pourrait aussi y avoir une erreur en ce qui concerne la clé, qui ne devrait être ouverte que pour le ré dièse.
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Le flageolet français semble être tombé en désuétude au début du XXe siècle, à l'époque de la Grande Guerre.